La Cour de cassation vient de rendre un arrêt important en la matière, arrêt 703 du 8 juillet 2010, qui semble accroitre les exigences d'obtention d'une délégation d'autorité parentale.
L'article 377 du code civil dans son
alinéa premier dispose que « Les père et mère, ensembles ou séparément, peuvent, lorsque les
circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie
de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille,
proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou
service départemental de l'aide sociale à l'enfance. »
La délégation d'autorité
parentale, selon qu'elle est totale ou partielle, a pour effet soit de
transférer totalement l'autorité parentale sur un enfant du ou des parents à un
tiers, soit de la transférer seulement en partie de sorte qu'elle sera exercée
conjointement par les délégants et le délégataire.
L'avantage est de
permettre à une tierce personne d'accomplir seul les actes usuels de l'autorité
parentale relatifs à la personne de l'enfant. Il sera présumé agir avec
l'accord des autres ou de l'autre détenteur de l'autorité parentale.
Le 8 juillet 2010 la première chambre
civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui semble préfigurer un
revirement de jurisprudence (arrêt 703 du 8 juillet 2010 (09-12.623).
Au visa de l'article 377
al 1 du code civil la Cour précise que « si l'article 377, alinéa premier, du
code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère, seule titulaire de l'autorité
parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle
vit en union stable et continue, c'est à la condition que les circonstances
l'exigent et que la mesure soit conforme à l'intérêt supérieur de
l'enfant... »
La Cour de cassation
rejette en conséquence le pourvoi formé à l'encontre d'un arrêt de la Cour
d'appel de Douai du 11 décembre 2008 qui rejetait la demande de délégation
d'autorité parentale au motif que n'était pas rapportée la preuve de circonstances
particulières qui imposeraient une délégation d'autorité parentale.
Il s'agit en l'espèce de
deux femmes ayant chacune de leur côté un enfant reconnue par elle mais sans
filiation paternelle établie, qui vivent une vie de couple stable et continue
depuis 1989 et qui ont conclu un pacte civil de solidarité le 21 mai 2002.
Les enfants sont
parfaitement épanouis et intégrés dans leur vie de couple.
Elles ont déposé une
requête conjointe sollicitant une délégation d'autorité parentale réciproque.
Un jugement de 2007 a accueilli leur demande mais la Cour d'appel de Douai a
infirmé le jugement qui lui avait été déféré par le Parquet.
La Cour de
cassation a donc rejeté le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt.
L'un des arguments
utilisés à l'appui de leur demande était que si l'une d'elles venait à être
victime d'un accident, étant astreinte à de longs déplacements professionnels,
l'autre risquait de se retrouver juridiquement empêchée de tenir le rôle
éducatif qu'elle tient au quotidien depuis toujours auprès des enfants.
La Cour de cassation
rejette cette argumentation au motif que le risque d'accident est purement
hypothétique et semblable à celui auquel se trouve confronté tout parent exerçant
seul l'autorité parental, alors que les déplacements professionnels qu'elles
invoquent ne sont qu'exceptionnels. Ne rencontrant pas de difficultés
particulières dans la vie quotidienne, les requérantes ne démontrent pas « en
quoi l'intérêt supérieur des enfants exigeait que l'autorité parentale soit
partagée entre elles et permettrait aux enfants d'avoir de meilleurs conditions
de vie ou une meilleure protection quand les attestations établissaient que les
enfants étaient épanouis ».
La Cour de cassation
exige donc la démonstration de circonstances particulières établissant la
nécessité de la délégation d'autorité parentale, l'absence de filiation paternelle
établie ainsi que la stabilité de l'union ne suffisant plus à démontrer cette nécessité.
La Cour semble plus
exigeante qu'en 2006 puisque elle avait alors rendu un arrêt, Arrêt 652 du 24
février 2006 dans lequel elle admettait le principe de la délégation d'autorité parentale dans le cadre d'un
couple homoparental connaissant une union stable et continue par un attendu de
principe important :
« Mais attendu que l'article 377,
alinéa premier, du code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire
de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec
qui elle vit, en union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent
et que la mesure est conforme à l'intérêt de l'enfant ; »
La cour relève que les
enfants sont épanouis, parfaitement intégrés dans la vie de couple, que la
relation des requérantes est stable et harmonieuse et fondée sur un respect de
leur rôle auprès des enfants.
Elle relève également que
l'absence de filiation paternelle établie peut laisser craindre, en cas d'évènement
accidentel privant la mère, astreinte à de longs trajets professionnels, de la
possibilité d'exprimer sa volonté, que Mme Y soit dans l'incapacité juridique
de tenir le rôle éducatif qu'elle avait toujours eu auprès des enfants.
De ces constatations la
Cour de cassation déduit que c'est à bon droit que la Cour d'appel a pu décider
que la délégation d'autorité parentale sollicitée est conforme à l'intérêt des
enfants.
Il semble donc que la Cour de cassation
soit devenue plus stricte et impose la démonstration de circonstances particulières, outre l'absence
de filiation paternelle établie, l'aspect stable et continue de l'union, l'épanouissement
des enfants et le rôle éducatif joué par les requérantes au quotidien auprès d'eux.
En l'espèce il semble que
le risque d'accident était évoqué, mais les déplacements professionnels restant
exceptionnels, la Cour de Cassation a estimé que le risque trop hypothétique
est insuffisant à caractériser la nécessité de la mesure.
Il semble également que
le fait que les requérantes ne rencontrent aucune difficulté au quotidien pour
assumer leur rôle auprès des enfants fut un argument de plus qui a conduit la
Cour à estimer que la nécessité de la mesure n'est pas démontrée.
Etablir l'existence de
ce type de difficultés pourrait-il suffire à emporter une décision favorable ?
Nul doute qu'il convient
d'attendre d'autres arrêts en la matière afin que la Cour de cassation puisse affiner
sa jurisprudence.
Affaire à suivre...